FLASH : Actualité des contrats

Quelques réponses de la jurisprudence aux questions qui se posent régulièrement dans la pratique des contrats commerciaux… 

 

1. Peut-on rompre un contrat sans mise en demeure préalable ? 

Lorsqu’une partie est confrontée à l’inexécution grave d’un contrat par son co-contractant, elle peut être parfois tentée de notifier la résiliation du contrat sans prendre la peine d’impartir un délai à ce co-contractant pour qu’il exécute ses obligations. 

Or, les articles 1224 et 1226 du Code civil issus de la réforme des obligations de 2016 imposent, sauf urgence, une mise en demeure préalable du co-contractant défaillant, de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable. 

Il ne s’agit cependant pas d’une règle absolue et la gravité du manquement du co-contractant peut parfois justifier que la notification intervienne sans mise en demeure. 

Par un arrêt du 18 octobre 2023 (n°20-21.579), la Cour de Cassation confirme, ainsi, que la partie qui résilie un contrat peut être dispensée de cette formalité en présence d’une inexécution grave : dans le cadre d’un contrat de prestation de services, un client avait agressé verbalement les employés du prestataire, ce qui rendait « manifestement impossible la poursuite des relations contractuelles ». De ce fait, le prestataire pouvait, sans commettre de faute, se dispenser de toute mise en demeure avant de notifier à son client la fin du contrat. 

Cass. com., 18 octobre 2023, n°20-21.579 

Il faut toutefois rappeler que la partie qui notifie la résiliation d’un contrat agit à ses risques et périls et qu’avant de le rompre, il faut apprécier si les circonstances justifient vraiment qu’aucun délai ne soit accordé au débiteur pour qu’il s’exécute et que le contrat se poursuive. 

 

2. Sur quels critères doit-on fixer la durée du préavis en cas de rupture d’une relation commerciale établie ? 

La partie qui souhaite mettre fin à une relation commerciale établie est tenue de respecter un délai de prévenance, ainsi que l’exige l’article L. 442-1, II du code de commerce (anciennement L. 442-6, I-5°). 

Par arrêt du 18 octobre 2023 (n°22-20.438), la Cour de cassation rappelle que la durée du préavis s’apprécie selon les critères suivants : 

- La durée des relations ; 

- L’importance de la part du chiffre d’affaires réalisé ; 

- L’importance du client dans le bilan de la société lésée ; 

- L’état de dépendance du partenaire évincé ; 

- La configuration du marché permettant au partenaire ou non de disposer ou non d’une solution techniquement et économiquement équivalente ; 

- Le temps nécessaire pour permettre à la victime de se réorganiser ou se reconvertir. 

 

En pratique, le préavis doit être d’une durée suffisante pour permettre au partenaire évincé de retrouver des débouchés, ce qui dépend des circonstances et s’apprécie au cas par cas - la durée maximale de ce préavis étant de dix-huit mois. 

Cass. Com., 18 octobre 2023, n°22-20.438 

 

3. Un contrat conclu pendant la période suspecte est-il nécessairement nul ? 

La période dite « suspecte », qui se situe entre la date de cessation des paiements et la date du jugement qui ouvre la procédure collective (redressement ou liquidation judiciaire), appelle à la vigilance. 

Les contrats conclus pendant cette période par une entreprise en difficulté sont susceptibles d’être annulés a posteriori, sur le fondement de l’article L. 632-1 du Code de commerce, si les obligations qu’elle souscrit créent un déséquilibre en sa défaveur. 

Faisant application de cette disposition, la Cour d’appel de Paris a, par un arrêt du 14 septembre 2023 (n°22/04806), confirmé la validité d’un protocole d’accord conclu pendant la période suspecte au motif que la réduction de l’indemnité de résiliation prévue par le protocole constituait une concession équilibrée, tout comme les obligations mises à la charge des parties. 

Cour d’appel de Paris, 14 septembre 2023, n°22/04806 

Les parties sont donc invitées, si elles concluent un contrat impliquant une entreprise qui traverse une période de difficultés et risque de faire l’objet d’une procédure de règlement judiciaire, à veiller particulièrement à l’équilibre de leurs obligations réciproques pour ne pas risquer de voir ce contrat remis en question a postériori.