Gérer la fin d’un contrat : jurisprudence récente

La fin d’un contrat, qui suscite souvent des tensions entre les parties, nourrit le contentieux commercial.

La jurisprudence récente vient apporter des précisions utiles pour régler des situations de désaccord irréconciliable entre les Parties qui peuvent conduire à la fin du contrat.

1. La résolution judiciaire peut être prononcée sans faute

Jusqu’à présent, la jurisprudence prononçait la résolution judiciaire d’un contrat uniquement en cas de faute imputable à l’une des parties.

Un arrêt du 18 janvier 2023 n° 21-16.812 vient changer la donne, en prononçant la résolution judiciaire d’un contrat conclu entre l’exposant et l’organisateur d’un salon professionnel, en raison de la crise sanitaire, que la Cour qualifie de cause extérieure qui rend impossible l’exécution du contrat.

La Cour de cassation étend, ainsi, l’application des nouveaux articles 1217, 1224 et 1227 du Code civil à un cas confinant à la force majeure.

La doctrine s’interroge dès lors sur le point de savoir, si la Chambre commerciale de la Cour de cassation ne franchit pas, ici, un pas vers la reconnaissance d’une certaine forme de force majeure dans les cas d’inexécutions liées à la crise sanitaire.

De quoi donner des idées aux plaideurs confrontés à des situations similaires en matière contractuelle, qui devront rester attentif aux prochaines décisions de jurisprudence sur ce thème.

2. La rupture d’une relation commerciale soumise à un aléa n’est pas brutale

Dans l’abondante jurisprudence relative à la rupture de relations commerciales établies, deux arrêts récents viennent atténuer la notion de rupture brutale.

Pour rappel, la rupture brutale implique en premier lieu que la relation commerciale entre les parties soit suffisamment significative, prolongée et stable.

Dans un arrêt du 3 juillet 2019 n° 18-10.580, la Cour de cassation écarte la rupture brutale dans le cas où les parties étaient en négociation sur le prix de vente d’une marchandise depuis plus d’un an. La Cour considère que les parties ne réussissant pas à s’entendre sur le prix, la rupture, qui n’est imputable à aucune d’elles, n’est pas « brutale ».

Dans la même veine, un arrêt récent du 11 janvier 2023 n° 21-18.299 écarte la rupture brutale en considérant que le recours d’une société à des appels d’offre annuels introduit un aléa dans la relation commerciale et ne permet pas à son partenaire commercial d’avoir la croyance légitime de la pérennité de cette relation commerciale.

3. Le contrat peut être résilié par le juge pour imprévision

Pour la première fois, le Tribunal de commerce de Paris, par une décision du 14 décembre 2022 n° 2022033136 prononce la résolution judiciaire du contrat pour imprévision en appliquant l’article 1195 du Code civil.

Pour mémoire, le juge peut réviser le contrat si les critères suivants sont réunis :

  • un changement de circonstance ;
  • qui conduit à rendre un contrat excessivement onéreux pour l’une des parties ;
  • alors même que cette partie n’avait pas accepté d’en assumer les risques.

Le Tribunal reconnait, sur le principe, qu’il pourrait procéder à la révision du contrat pour imprévision, puisque l’ensemble des critères sont réunis. Il estime, cependant, qu’il manque d’éléments pour réviser le contrat et en prononce la résiliation judiciaire sans faute.

Modifier la volonté des parties par voie judiciaire reste un exercice périlleux et le Tribunal ne s’y est pas risqué.

 

Aline McGowan, Avocat Associé

Andrea Charme, Stagiaire