Concilier clause de conciliation et procédure

Il est fréquent que les parties, lors de la conclusion d’un contrat, insèrent une clause de de conciliation dans leur contrat. Plus ou moins précise. Plus ou moins claire.

Lorsque le litige surgit, le demandeur a hâte de saisir le Tribunal, et tend à se dispenser de la phase de conciliation, qui ne lui paraît plus utile ou pertinent, compte tenu des relations entre les parties.

Les juridictions saisies renvoient cependant les parties à la procédure de conciliation qu’ils se sont choisie et jugent les demandes irrecevables si la clause de conciliation n’a pas été mise en œuvre préalablement à la saisine.

L’arrêt rendu le 5 août 2022 par la Cour d’appel de Paris vient, à nouveau, illustrer cette règle jurisprudentielle selon laquelle la violation d’une clause préalable de conciliation est sanctionnée par une fin de non-recevoir : « le moyen pris de l’absence de mise en œuvre d’une clause instituant une conciliation obligatoire préalable à la saisine du juge constitue une fin de non-recevoir, et non une exception d’incompétence ».

Cette décision s’inscrit dans la jurisprudence constante[1], depuis un arrêt de principe rendu par la chambre mixte de la Cour de cassation le 14 février 2003[2] : « attendu qu'il résulte des articles 122 et 124 du nouveau code de procédure civile que les fins de non-recevoir ne sont pas limitativement énumérées ; que, licite, la clause d'un contrat instituant une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge, dont la mise en œuvre suspend jusqu'à son issue le cours de la prescription, constitue une fin de non-recevoir qui s'impose au juge si les parties l'invoquent ».

S’agissant d’une fin de non-recevoir et non d’une exception d’incompétence, la Cour de cassation[3] a eu l’occasion de préciser que ce moyen peut être soulevé pour la première fois en appel, sous réserve de dommages-intérêts à acquitter par la partie qui invoquerait tardivement cette fin de non-recevoir avec une « intention purement dilatoire »[4].

Encore faut-il que la « clause de conciliation préalable obligatoire », soit assortie de conditions particulières de mise en œuvre[5] et ne soit pas rédigée « de manière elliptique en termes très généraux[6] ».

En l’espèce, la clause était ainsi libellée :

« Les Parties s’efforceront de régler amiablement tout différend relatif à la validité, l’interprétation, l’exécution et/ou la résolution du Protocole.

A cet effet, les Parties se rencontreront à plusieurs reprises pendant une période de 30 (trente) jours pour rechercher de bonne foi une solution amiable à leur différend, avant de soumettre celui-ci au Tribunal de commerce de Paris auquel il est expressément fait attribution de compétence, même en cas de référé, de pluralité de défendeurs ou d’appel en garantie. »

 

[1] Cass. 2ème Civ., 3 février 2022, n°20-21.006

[2] Cass. Mixte, 14 février 2003, n°00-19.423 et 00-19.424

[3] Cass.Com., 16 mai 2018, n°16-26.086

[4] Cass.Com., 24 juin 2020, n°18-15.249

[5] Cass.Com., 29 avril 2014, n°12-27.004

[6] Cass.3ème Civ., 11 juillet 2019, n°18-13.460

 

Selon la Cour : « Cet article ne se borne pas à stipuler une recherche, préalable à la saisine du juge, de résolution à l’amiable des différends relatifs à la validité, l’interprétation, l’exécution et/ou la résolution du protocole mais en décrit les modalités de mise en œuvre en prévoyant au moins deux rencontres entre les parties sur une période de trente jours ».

Les juges du fond doivent donc se livrer à une analyse de la rédaction de la clause de conciliation en question afin de s’assurer que les parties ont voulu lui donner une force obligatoire en prévoyant de manière claire et précise ses modalités de mise en œuvre.  

Les Parties doivent donc veiller à la rédaction de leur clause puis à sa mise en œuvre : en cours d’instance il sera trop tard pour engager la phase de conciliation contractuelle et il faudra alors retourner à la case départ, en recommençant toute la procédure[1].

 

Auteur

Aline McGowan

Associée

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[1] Cass.3èmeCiv.,16 novembre 2017, n°16-24.642